mardi 19 novembre 2024

Dame nature

Annie Silvestre 


Dame nature a quitté sa pelisse d'hiver.

Elle a mis au clou son manteau d'hermine,

Pour se parer des couleurs du printemps,

Pour oublier la froidure des jours chagrins.



Elle a défroissé sa longue robe d'émeraude,

Sur laquelle elle a brodé une nuée de fleurs.

Endimanchée comme une jeune promise,

Elle porte l’habit de lumière omnicolore.

 

L’heure de la délivrance est enfin venue,

Pour, de son ventre, libérer sa magnificence.

Impatient, le monde est venu à son chevet,

Pour assister à l’avènement des beaux jours.




Du printemps, elle est la grande prêtresse.

Chaque fleur épanouie est une promesse,

Dont elle constelle le territoire des hommes,

Pour les inviter à faire la paix, en somme !

 

Dame nature a quitté sa pelisse d'hiver,

Elle a défroissé sa longue robe d'émeraude,

Sur son visage serein, je peux lire sa félicité,

Du printemps, elle est la grande prêtresse.


à Annie Sylvestre


Christian Bailly

Tous droits réservés

08/11/2024

 

jeudi 14 novembre 2024

Pêche miraculeuse

 


Embarqué sur la galère de ma vie,

A la recherche d'une île perdue.

Je naviguais au gré de mes envies,


Quand, au détour d'un brisant,

Au beau milieu des abîmes,

Je t'ai pris dans le filet de mes penchants.


Perdu dans les abysses de tes désillusions,

Chahuté par les vagues de ton désespoir,

Tu nageais en eaux troubles, sans illusion.


Par mes appâts, alléché,

Tu as mordu à mon hameçon à la dérive.

Je n'ai même pas eu à te ferrer.


Sur le pont, je t'ai remonté

Pour t'embarquer dans mes délires,

Et sur la vague du plaisir, surfer.


Pour des pays lointains moins tourmentés,

Ensemble, nous avons mis les voiles,

Là, nous attendaient des trésors de volupté.


Pour te faire oublier les tempêtes dans ta tête,

Sécher les lames de fond dans tes yeux,

Calmer l'ouragan des rancœurs qui entêtent,


Nous nous sommes abandonnés, nus,

A nos appétits, jusqu'au soleil couchant,

Sur ces rivages, gorgés de fruits défendus.


Là, tout à notre bonheur intime

Nous avons sabordé notre galère,

Effacé notre île des cartes maritimes .


Photo Christian Bailly : Estuaire de la Seudre (Charente Maritime)

C. BAILLY
Tous droits réservés

samedi 9 novembre 2024

Aimer, souffrir…


De t'aimer, je souffre le martyre,

Et pourtant, je ne puis me retenir.

De cette lancinante souffrance,

Je vis dans la complaisance.


Saint Sébastien secouru par les anges  - Pierre Paul Rubens

 

De cet amour, de son délire,

J'attise le délicieux plaisir.

Perfide, il inflige à mon cœur

Cette si délectable douleur.

 

Sans elle, je n'existe pas.

Je survis de ce mea-culpa.

Il sustente mes jours, mes nuits.

Il affame mes désirs fortuits.


Ian Morris Art

 

De te perdre, j'ai la hantise,

Et rien, ce mal, ne canalise.

Prisonnier de ce jugement,

Impénétrable et envoûtant.

 

De point vouloir m'en défaire,

Je veux bien me complaire.

D'aimer, je ne sais autrement

Me blâmer de ce sentiment.


Martine chaperon - Amour toujours

 

De cet amour, d'en souffrir,

Je ne puis pourtant te maudire,

Fort aise que tu vampirises

Mon âme à toi acquise…

 

Alors ! À ta guise…


Christian Bailly

Tous droits réservés 


 

jeudi 7 novembre 2024

Le poète


Puisse-t-elle être entendue, la parole du poète, car elle est pure et loyale.

Elle vient de son cœur et de son âme vierges de toute malveillance.

Elle mérite d’être, entre toutes dites, considéré avec bienveillance.

Ces paroles valent bien plus que celles qui se disent de sang royal.


C.M.Gay

 

Il y a des instants qui ont tout du miracle, quand sa plume s’incline

Pour nous dire de l’amour, le fabuleux, avec des mots entrelacés.

Il y a des instants qui ont tout du miracle, quand, sur le papier glacé,

Il nous dit ces choses impertinentes, et que pour nous, il les décline.


Egon Schiele

 

Entendez-vous le chant lancinant de son cœur qui vient lui dicter

Le verbe qui nous fait chavirer et un instant après nous transporte

À cent lieux du monde duquel il semblait vouloir nous ouvrir la porte ?

C’est que sa pensée, voyez-vous, jamais, elle ne faillit à sa créativité.


Faujas
 

C’est de sa sensibilité aiguë et de sa vive empathie pour le monde,

Qu’il soutire de son âme écorchée les plaintes ou les délectations.

La poésie devient alors l’indéfectible confidente de ses confessions.

Ainsi, vous saurez tout de son amour transcendant pour sa blonde.


Le Caravage


 

Vous découvrirez tout de ses désirs pour elle, que vous autres taisez,

Vous saurez tout de ses états d’âme qu’il épanchera, de ses rébellions,

De ses espoirs déchus, de ses combats désespérés, de ses aspirations.

Alors, vous deviendrez l’hôte d’exception à qui il osera tout confier…

 

Ou presque !


Mady Epstein

 

Christian Bailly

Tous droits réservés

03/11/2024

dimanche 3 novembre 2024

Chers amis






Chers Amis...

Je suis heureux de vous offrir cette minute de sérénité...

Cet instant solennel...

Tout comme moi, profitez de ce moment où rien d'autre n'existe...

Où la pensée s'efface,

Où le monde se volatilise,

Se dilue dans ce bain de jouvence...

Alors plus rien d'autre ne compte...

Que ce face-à-face sublime de l'Homme dépouillé de ses oripeaux et de la Mer,

Que cet instant exclusif où l'on fait la paix avec soi-même...

Que ce grondement magistral qui couvre le bruit des bombes

Que ce temps suspendu à vénérer cette magnificence...

Instant magique à nul autre pareil...

Où l'on peut contempler, de la création, le prodige.




Christian Bailly
Tous droits réservés
01/11/2024

dimanche 27 octobre 2024

Vieille souche


Ken Fass

 

La vie m'a évidé

De toute envie,

De tout désir,

De toute sève,

Et de cette ardeur

Qui brûlait en moi.



La vie m'a évidé

De toute volonté,

De tout espoir,

De tous mes rêves

D'adolescent naïf

Devenu sage

Sous la contrainte

Des années passées.



Jean Naigeon



La vie m’a évidé

De toute ma vitalité,

De toute mon énergie,

De cette résistance,

Qui me tenait debout,

Face à l'adversité

Contre vent et marée.



La vie m'a évidé

De ma substance,

De l'essence même,

Qui faisait de moi

Ma réalité absolue,

Ma raison d’être.

La vie m'a évidé

Pour ne me laisser

Qu'une peau ridée,

Une âme déchue,

Un cœur évanescent,

Un corps délabré.



Le soleil me caresse

De ses rayons sagaces,

Il traverse mon corps,

Devenu imperturbable,

Indifférent aux plaisirs,

À la vie, comme à la mort.



Désormais, je ne suis

Qu'un corps debout,

Qui résiste au temps,

Un corps transparent,

Qui peu à peu s'effrite,

Pour naître poussière.



La vie m'a évidé...

Et le monde, sourd,

À mon désespoir

Continue de tourner...

Pour lui, je ne suis plus

Qu’une vieille souche !



Raymond Planchat




Christian Bailly

Tous droits réservés

27/10/2024

lundi 21 octobre 2024

Gouaille de gabian

 


Alors que l'aurore dépose son voile de jour,

Sur la ville singulière dans les bras de Morphée

Et qu'elle empourpre le ciel au levant,

Pour saluer les tout premiers travailleurs,





Dans son ciel, raisonne la gouaille des gabians

Ils semblent réclamer, haut et fort, leur pitance.

D'un toit à un autre, ils taillent déjà la discute

Se chamaillent comme de vrais garnements,





Ils semblent bien se moquer des hommes

Assujettis au travail pour gagner leur pitance.

Certes, à les voir, on pourrait envier leur liberté,

Mais leur survie, en fait, ils la doivent au pillage,





Au chapardage et pas question de marchandage.

Si par malchance leurs gosiers restent creux,

Ils devront faire preuve de beaucoup de patience.

Hé oui ! La vie de gabian n’est pas une romance !



Sans attendre, au retour des travailleurs de la mer,

Les plus hardis d’entre eux rejoindront leurs frères

Derrière les chalutiers ventrus riches de victuailles,

Pour former un long ruban désordonné et tapageur.




Là, on se chamaille pour les moindres rognures

Passées par-dessus bord, avant l'entrée au port.

Puis à la criée, ils retrouvent les moins téméraires

Pour former, sur place, un escadron de choc.




Alors, toute voile dehors, en nombre, ils s'enflamment

Pour des plongées et contre-plongées vertigineuses.

Ils s'interpellent, s’emportent et commentent entre eux

Le menu du jour offert aux culs des chalutiers.







Certains apaisent leur faim, d'autres se disputent,

Pour des broutilles éparpillées au pied du quai.

Il faut le dire, c’est une véritable foire d'empoigne.

Sur la voilure noire de la criée, les moins audacieux,

Les plus sages, observent, commentent, se moquent,

Mais bientôt, les victuailles gratis finissent par s’épuiser.




La fête est finie !

Aussi, le ventre plein ou le ventre creux,

Chacun reprend le fil de sa vie.

Et sur les toits ou dans le ciel de Sète,

Raisonne la gouaille des gabians… 





Christian Bailly

Tous droits réservés 

16/10/2024