vendredi 22 juillet 2022

A Didier André Hedieu






À Didier

Didier André Hedieu


Face au destin me voici sans arme,

Aujourd'hui, de mes larmes,

Je suis venu arroser la rose du poète.

Il ne me restait plus qu'à lui offrir cette quête,

Et seulement ma peine profonde de le voir fuir

Si vite son jardin où il reste quelques souvenirs,

Pour encore, sans lui, pouvoir en sourire.

Mais que peut en faire une rose esseulée,

Si ce n'est que d'en mourir après avoir agonisé ?

Alors j'ai préféré la cueillir, une fois venu le soir,

Pour la déposer sur le marbre de la mémoire.

Je n'ai rien oublié de notre première rencontre,

Je ne pensais pas que le temps, sur ta montre,

Passerait si vite, avec autant de précipitation.

Nous parlions de poésie devenue notre passion.

De nos familles, de nos projets, loin de penser

À tout ce qui pourrait bien nous faucher.

C'est ce souvenir-là que je veux garder

Celui d'une belle mais trop brève amitié.

Le rimailleur que je suis continue son chemin

Sachant qu'il n'a pas d'autres choix que son destin.

Avec mes plus belles amitiés

Et mon bon souvenir.

Christian Bailly 

21/07/2022


La fête au village

 

Christian Panis - Place du village

 

Pour nous, tout commençait un soir de semaine,

Au printemps, quand nous rentrions de l'école,

Le matériel de la rotonde arrivait, la bonne aubaine

Pour les gamins que nous étions, joyeux et frivoles.

 

Le lendemain, elle était debout sur la place,

Prête à accueillir nos jeux d'enfants inconscients,

Son plancher sur cales, à nos yeux trouvait grâce,

Le dessous devenait un terrain d'amusement.

 

Kokoschka


Nous nous faufilions comme des chats ensauvagés

D'un bout à l'autre, ignorant le danger existant.

Mais une fois que le reste des forains était arrivé,

Nous avions d'autres sujets de divertissement.

 

En quelques jours, sur la place, tout était installé.

Sur la droite, le manège prenait ses aises,

Sous les arbres un stand de tir pour les aînés,

Et une loterie, à ceux qui dédaignent, n'en déplaise.

 

Et enfin celui qui a fait de mon enfance, l'unanimité,

Les grandes balançoires "bateaux" à l'ancienne.

Je faisais mon bravache, quand je sentais mes pieds

Décoller du plancher, au-dessus de la fête foraine.

 

Nicodi - Fête forraine


J'avais la sensation de voler de mes propres ailes,

Pour un instant, loin de ce village pourtant rassurant,

De certains aspects de ma vie qui me paraissaient cruels.

J'oubliais le bâtard que j'étais pour les bien-pensants.

 

 C'est en fanfare que se faisait l'ouverture officielle,

Avec les quelques administrés du petit hameau.

Les enfants attendaient, impatients, la fin de ce rituel,

Pour se disperser comme une envolée de moineaux.

 

Le samedi soir, le bal musette ouvrait ses portes.

Des voitures, des scooters et autres engins motorisés

Arrivaient des alentours, en bruyantes  cohortes,

Pour oublier une semaine de labeur et s'amuser.

 

Bal-musette - Annie Desfrennes


Chacun y trouvait son compte, surtout les forains.

Ils retrouvaient leurs habitués chaque année.

Sur le parquet talqué, on se remettait dans le bain,

Qui pour un tango, un paso doble, qui pour valser.

 

Une fois tous les anciens rassasiés pour un an,

L'orchestre changeait de registre pour la jeunesse.

Les yé-yés prenaient d'assaut la piste, sur le champ,

Pour ne l'abandonner qu'au bout de leur ivresse.

 

Le-bal-des-nantis- Jean Mirre


Et tout recommençait, le dimanche après-midi.

Le manège ne savait plus où donner de la tête,

Il ne désemplissait pas, faisait le plaisir des petits.

Au tir, les hommes ne lâchaient pas la gâchette.

 

Jo Heliotrope - Fête forraine


La jeunesse des alentours était déjà sur les lieux,

Pressée de reprendre ses danses endiablées.

 Les anciens assagis de la veille, un peu envieux,

Se contentaient de partager un verre de l'amitié.

 

Samuel Veksler


Peu à peu, la place se vidait dans la soirée.

Le lendemain, il fallait bien assurer sa besogne.

Pas question du tout de rester au lit à fainéanter.

C'est sûr, au boulot, il y aurait eu de la grogne.

 

Les forains étaient sur le tas, dès le lundi matin,

À démonter manèges et stands, et à plier bagage,

Bon train, au grand désespoir de tous les gamins.

La fête était finie, il fallait descendre de son nuage…

 

du net


Christian Bailly

Tous droits réservés

17/07/2022

samedi 16 juillet 2022

14 juillet



La fanfare, 14 juillet, défilé militaire - Raoul Dufy




Au soir du 13 juillet…

À la nuit tombée, la fanfare en-tête du défilé,

La retraite aux flambeaux commençait à s'ébranler.

Les enfants brandissaient fièrement leurs lampions,

Fidèles et très heureux de perpétuer la tradition.

Au-dessus, quelques canards s'envolaient,

Mais à vrai dire, personne ne s'en souciait.

Le cortège, tapageur, s'étirait joyeux et dissipé.

Les anciens retrouvaient le pas cadencé,

Qu'ils avaient appris pendant l'armée.

Les plus jeunes cavalaient devant, derrière,

Pour se montrer aux gamines et faire les fiers.


Françoise Joseph - 14 juillet


Ainsi, nous faisions le tour de mon village,

Qui pour un soir, oubliait d'être sage.

Sur le passage du cortège, joyeux et fêtard,

Feux de Bengale tricolores et pétards

Traçaient notre route, dans la nuit de juillet.

Des boîtes aux lettres, de ces festivités,

Faisaient les frais, se retrouvaient ventre éclaté,

Par un pétard mammouth, mal intentionné.

L'occasion était bonne pour les garnements

De faire les malins, et d'échapper aux parents.

Rita Revil - Bal du 14 juillet


Quelques lampions finissaient par s'enflammer,

N'arrivaient pas au bout de la nocturne randonnée.

Sagement au bord de la route, les plus anciens

Regardaient passer cette procession de païens.

Mon village ne pouvait pas s'offrir le rituel

De s'enorgueillir d'un feu d'artifice dans son ciel,

Mais pour fêter comme il faut la prise de la Bastille,

Un p'tit bal musette pour séduire les jeunes filles,

Les faire valser, les cœurs en mesure, et les étourdir.

Les anciens n'étaient pas en reste pour se dégourdir

Au rythme joyeux des flonflons de l'accordéon,

Sous les guirlandes multicolores et les lampions.

Insouciant, le village raisonnait tard dans la nuit

Des rires et des jeux des plus jeunes, aguerris.


14 Juillet - Marcel Roche


Le lendemain sur la petite place de mon village,

Du quatorze juillet, il n'avait pas tourné la page.

Quelques tables et des bancs étaient dressés,

Pour en milieu d'après-midi, tous se retrouver.

Les plus républicains de ce petit hameau,

Devant une bouteille de cidre, avaient le verbe haut

Et le rire facile pour oublier leur dure réalité.

Pour rien au monde, mon grand-père n'aurait manqué

Ce rendez-vous, ce moment de convivialité.

Pour une limonade les enfants étaient invités.

Enfin, pour clôturer cette journée historique,

Sous les arbres, un concert était offert par la clique.


Yves Brayer - lithographie 14 juillet



Ainsi, se fêtait dans mon village, la fête nationale,

Mais depuis, la modernité lui a été fatale.

De ce jour, il reste encore feux d'artifice et bals,

Mais pour ceux qui travaillent, c'est un jour banal.

Ce jour-là, même pour une fortune assurée,

Mon grand-père n'aurait pas travaillé,

Le marteau et l'enclume n'auraient pas chanté.

Aujourd'hui, oublié ce jour sacré et férié,

L'argent vaut plus que…

Liberté, Égalité et Fraternité !



Liberté, Egalité, Fraternité, ou L'Esclavage affranchide
 Nicolas Gosse


Christian Bailly
Tous droits réservés 
16/07/2022

mardi 12 juillet 2022

Sonate automnale


 



Viens ma mie ! Viens avant que l'hiver ne pose

Son manteau de frimas sur ton jardin de roses.

Viens avec moi sous le ciel embrasé de l'automne,

Au milieu des hautes fougères qui déjà frissonnent,

Sous les arbres rougeoyants qui se dépouillent,

Sur le sol jonché de feuilles rongées par la rouille.



Là, un tapis de mousse pour notre couche!

Viens que je couvre de mon corps ta chair farouche.

Nous allons oublier le temps qui passe sur nous

Et laisse les restes de nos vertes années au clou.

Viens que je dépose baisers et désirs en concert

Sur les ombres et les lumières de ton corps offert.

Les lourds effluves de l'humus mêlé à nos essences

Charnelles et voluptueuses, troublent déjà nos sens.



Enveloppés dans un tourbillon de feuilles mortes,

Nos gémissements s'envolent sous bonne escorte

Vers les nues enflammées par notre passion.

Une escadre d'oie sauvage traverse l'horizon.

Une brise polissonne passe sur nos corps gisants,

Abandonnés aux caresses du soleil agonisant.

Nos cœurs à une douce mélancolie s'abandonnent,

Écoutent, en silence, la Sonate de l'automne.



Christian Bailly
Tous d roits réservés
12/07/2022 

vendredi 8 juillet 2022

Roquerols




Un petit tas de cailloux, au milieu de l'onde,
Et seulement le ciel bleu à la ronde,
Mais une terre de poètes et de rêveurs
Qui cherchent un p'tit coin loin des censeurs,
Loin de la Jeanne, la Marinette et la Margot,
Loin des mégères et de leurs ragots.
Un refuge où l'on dit merde aux autres,
Où l'on se retrouve entre nous, entre apôtres
De la rigolade, une peu anars sur les bords,
Un p'tit coin de paradis, pour les copains d'abord.

Loin des cons, des curés et des politiques,
Loin de tous ces bégueules trop pudiques
Pour oser imaginer courir le guilledou.
Un petit coin de rien, au milieu de tout,
Où l'on imagine un tout autre monde,
Où la pensée est bien plus féconde.
Une terre de poètes ou de rimailleurs
De joyeux lurons et de ripailleurs…



Ici,
Libre cours aux idées qui nous démangent,
On se révolte, avec des mots qui dérangent.
Pas besoin de yacht de luxe pour y venir,
Riches et bourgeois n'ont qu'à loin se tenir.
Non, vous embarquez dans une barquerolle,
Et pas besoin de sextant, ni de boussole,
Et vogue, vogue sur les flots de Thau,
Où Roquerols en est le précieux joyau.

Pas le temps de mouiller sa chemise,
Ni d'avoir des pensées pour la Louise,
Que vous avez déjà les pieds au sec,
Et la faim et la soif de marin au bec.

Alors,
La tête au soleil, la plume vous chatouille,
Pour écrire à notre homme une bafouille,
Même s'il est à Py, six pieds sous terre,
Allongé pour toujours sous la pierre,
Au milieu des siens, simples et anonymes,
Pour qui vivre n'était pas de la frime,
Pauvres, mais riches de magnanimité.
Son franc parlé a fait sa renommée,
L'homme à la pipe et à la moustache,
Avait l'œil espiègle, une âme de potache.
Il est resté dans le cœur des pèlerins,
Le gamin de Sète à l'inattendu destin.




Aussi,
Si sur ce rocher, il vous vient des idées,
Un peu rebelles, contre la maréchaussée,
Anti-curé et un tantinet anarchiques,
Antibourgeois, pourquoi pas antimilitariste,
Ou encore des inclinations de garnement,
Laissez les venir à vous, doucement,
À la pointe de votre plume passionnée.
Elles feront rougir les grenouilles de bénitier,
Grincer des dents les conservateurs,
Mais donneront à la vie une autre saveur.
Je vous le dis, rien de bien méchant en vérité,
Seulement d'ici, on voit du monde sa réalité.



Roquerols…
Un petit tas de cailloux au milieu de l'onde,
Et seulement le ciel bleu à la ronde,
Mais une terre de poètes et de rêveurs,
Qui cherchent un p'tit coin loin des censeurs,
Loin de la Jeanne, la Marinette et la Margot,
Loin des médisances et des ragots.
Un refuge où l'on dit merde aux autres,
Où on se retrouve entre nous, entre apôtres
De la rigolade, une peu anars sur les bords,
Un p'tit coin de paradis, pour les copains d'abord.





Christian Bailly
Tous droits réservés
08/07/2022