Christian Panis - Place du village
Pour
nous, tout commençait un soir de semaine,
Au
printemps, quand nous rentrions de l'école,
Le
matériel de la rotonde arrivait, la bonne aubaine
Pour
les gamins que nous étions, joyeux et frivoles.
Le
lendemain, elle était debout sur la place,
Prête
à accueillir nos jeux d'enfants inconscients,
Son
plancher sur cales, à nos yeux trouvait grâce,
Le
dessous devenait un terrain d'amusement.
Kokoschka |
Nous
nous faufilions comme des chats ensauvagés
D'un
bout à l'autre, ignorant le danger existant.
Mais
une fois que le reste des forains était arrivé,
Nous
avions d'autres sujets de divertissement.
En
quelques jours, sur la place, tout était installé.
Sur
la droite, le manège prenait ses aises,
Sous
les arbres un stand de tir pour les aînés,
Et
une loterie, à ceux qui dédaignent, n'en déplaise.
Et
enfin celui qui a fait de mon enfance, l'unanimité,
Les
grandes balançoires "bateaux" à l'ancienne.
Je
faisais mon bravache, quand je sentais mes pieds
Décoller
du plancher, au-dessus de la fête foraine.
Nicodi - Fête forraine |
J'avais
la sensation de voler de mes propres ailes,
Pour
un instant, loin de ce village pourtant rassurant,
De
certains aspects de ma vie qui me paraissaient cruels.
J'oubliais
le bâtard que j'étais pour les bien-pensants.
C'est en fanfare que se faisait l'ouverture
officielle,
Avec
les quelques administrés du petit hameau.
Les
enfants attendaient, impatients, la fin de ce rituel,
Pour
se disperser comme une envolée de moineaux.
Le
samedi soir, le bal musette ouvrait ses portes.
Des
voitures, des scooters et autres engins motorisés
Arrivaient
des alentours, en bruyantes cohortes,
Pour
oublier une semaine de labeur et s'amuser.
Bal-musette - Annie Desfrennes |
Chacun
y trouvait son compte, surtout les forains.
Ils
retrouvaient leurs habitués chaque année.
Sur
le parquet talqué, on se remettait dans le bain,
Qui
pour un tango, un paso doble, qui pour valser.
Une
fois tous les anciens rassasiés pour un an,
L'orchestre
changeait de registre pour la jeunesse.
Les
yé-yés prenaient d'assaut la piste, sur le champ,
Pour
ne l'abandonner qu'au bout de leur ivresse.
Le-bal-des-nantis- Jean Mirre |
Et
tout recommençait, le dimanche après-midi.
Le
manège ne savait plus où donner de la tête,
Il
ne désemplissait pas, faisait le plaisir des petits.
Au
tir, les hommes ne lâchaient pas la gâchette.
Jo Heliotrope - Fête forraine |
La
jeunesse des alentours était déjà sur les lieux,
Pressée
de reprendre ses danses endiablées.
Les anciens assagis de la veille, un peu
envieux,
Se
contentaient de partager un verre de l'amitié.
Samuel Veksler |
Peu
à peu, la place se vidait dans la soirée.
Le
lendemain, il fallait bien assurer sa besogne.
Pas
question du tout de rester au lit à fainéanter.
C'est
sûr, au boulot, il y aurait eu de la grogne.
Les
forains étaient sur le tas, dès le lundi matin,
À
démonter manèges et stands, et à plier bagage,
Bon
train, au grand désespoir de tous les gamins.
La
fête était finie, il fallait descendre de son nuage…
du net |
Christian Bailly
Tous droits réservés
17/07/2022
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