jeudi 26 janvier 2017

A mon Grand Père



De lui, j'ai des images inoubliables.
Je le vois encore, là, assis à sa table,
Penché sur un roman, paisiblement
À lire, à prendre enfin son temps.

Ses mains marquées par les ans,
L'une sur l'autre, très sagement,
Attendaient de tourner les pages
D'un vieux manuscrit hors d'âge.




De ses bras encore très puissants,
Émanait la force d'un ancien titan
Qu'exigeait sa tâche de forgeron.
Du feu et du fer, il était le patron.





Son visage stigmatisé par l'ouvrage,
S'était finalement adouci avec l'âge,
Et sa jovialité effaçait la rudesse
De ses traits comblés de sagesse.





En lui, je ne voyais plus cette brutalité
Qui terrorisait mon enfance réservée,
Quand pris de fureur, il blasphémait,
Aux milliards de bons dieux, s'en prenait.


Je le regardais ainsi, assis à sa table,
Ce  vieil homme, à la vie honorable,
Il avait traversé la dernière guerre
Sans vouloir mettre le genou à terre,




À résister pour défendre sa liberté.
Il était rouge comme le sang versé
Par beaucoup de compagnons tués
Pour libérer leur France occupée. 


Un résistant discret sur sa bravoure,
À son enterrement point de discours,
Pour ce qu'il avait fait sans gloire,
Point question d'honneur ostentatoire.


Sur la vie, il avait sa propre vérité,
En politique, des idées bien arrêtées.
La vie avait forgé ses convictions,
L'athéisme était son unique religion.




En patriarche, il veillait son clan,
Mais n'était pas toujours conciliant.
Pour sûr, il était fort honnête homme,
Même s'il n'était pas gentilhomme.


À son Agnelle, il avait mené la vie,
Dure, mais à l'époque, c'était ainsi,
On ne faisait pas dans la dentelle,
Pour la bagatelle, pour l'existentiel.






Tous deux arrivaient, bon an, mal an,
À l'âge où, faute d'être tendres amants,
On conjugue vieillesse avec tendresse
Pour en oublier l'insidieuse détresse.




À le voir ainsi, assis à sa table, à lire,
Je saisissais ce que c'était de vieillir,
Je réalisais alors, du temps, la cruauté,
Ce que c'était d'être, et d'avoir été.




Et quand enfin, j'osai lui demander
Comment il occupait ses journées,
Il me répondit avec philosophie,
Dans un grand sourire, avec ironie.

"Eh bien, tu vois, j'attends la mort"

Christian Bailly
Tous droits réservés
10/06/2012

16 commentaires:

  1. C'est ainsi que je me souviens de mon grand-père, aussi .. d'un homme intransigeant,dur, violent dans ses emportements .. Un homme des deux guerres,... où la fleur était bombe et le ciel noir. L'amour avait été cette fleur au fusil.
    Avec son regard tendrement triste, il m'apprenait le Flamand .. une conjugaison ? et je pouvais m'asseoir à la table du dîner. De mes frères et moi, il rêvait d'en faire des hommes prêts à se battre.
    De mon grand-père, j'ai appris l'amour de la filiation et l'envie de chercher le souvenir ..

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    1. Ton blog, pour mon commentaire, donne comme date et heure; 26 janvier à 16:23 .. et dans la réalité, ma réalité, il est le ; 27 janvier à 1:30 !!

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    2. Je pense que la plupart des hommes de cette époque étaient de la même trempe ! On les craignait et pourtant, on les aimait... Aujourd'hui, je pense bien souvent à lui et je me demande ce qu'il penserait de notre époque et de la politique d'aujourd'hui !!! Merci pour ton passage mon Bisouillon... Bises à vous deux et bon weekend

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    3. Pour ce qui est de la date et de l'heure...mystère ! je ne sais pas d'où çà vient...

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    4. J'ai trouvé dans "paramètres" il y a un réglage fuseaux horaires... j'étais sur Pacifique... Va savoir pourquoi !!!
      Merci de l'avoir remarqué... Bises

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  2. Très touchant, de voir pépé et mémé... Ça me fait quelque chose de lire ces lignes. Un moment, en voyant mémé, j ai eu envie de venir la retrouver dans la chambre, m assoire sur le pied du lit et être juste auprès d elle.
    Revenir en arrière le temps de....

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    1. Merci Yves ou Bruno à moins que ce soit Marie Jo...(pas de signature)
      Je suis heureux que ces mots aient crée cette émotion... C'est quelque part qu'ils ont sonné juste dans votre mémoire... Surtout en cette période anniversaire de son départ... En décembre 2020, cela fera déjà 30 ans, j'ai du mal à le croire et Mémé en février prochain, le 22, ça fera 18 ans... Ils me manquent toujours autant... Et en cette période trouble, je pense souvent à lui et je me demande ce qu'il dirait de tout ce qui se passe avec se gouvernement. Lui, qui était très engagé politiquement, il aurait eu certainement beaucoup à dire. Je suis heureux qu'il ne voie pas tout ça... À bientôt à vous lire... Si vous passez dans la région de Sète, faites moi signe, ça sera avec plaisir... Bisous à vous tous

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  3. Merveilleux souvenirs de ton grand-père merci pour ce très bel hommage que tu fais de lui amities Domi

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    1. Je te remercie Dominique. Une personne dont je ne puis me défaire, même si il est parti depuis bien longtemps maintenant. Son empreinte est en moi à jamais et tous les souvenirs que j'en ai ne me quittent pas.
      A bientôt... Amicales pensées

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  4. quelle chance d'avoir de si beaux souvenirs, je n'ai connu aucun de mes grands parents ! Je sais que pour toi il a été un père et je trouve dans tes mots tout l'amour que tu lui portais !

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    1. C'est vrai que j'ai eu cette chance là, faute d'avoir eu le père qui m'a toujours manqué même encore aujourd'hui... Il n'a jamais essayé de le remplacer d'ailleurs, et puis il avait une certaine pudeur pour ces sentiments... Ma Grand-mère était plus expressive...
      Bisous chère Morgane

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  5. Commentaires Facebook

    Jo qKourtaa
    Un vibrant et émouvant hommage.
    Heureuse journée Christian

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  6. Frédéric Béquin
    Cc,je trouve l'hommage est magnifique a ton grand père,et je trouve qu'il y a aussi une petite ressemblance avec son petit fils.
    Une question tes enfants Kris ressemble t'il un peu a leur grand père.
    Je vous souhaite une bonne journée à vous deux et à bientôt pour des meilleures nouvelles.
    Un meilleur moment pour Thierry et sa Maman.
    Bisous à vous deux.
    Frédéric.
    Répondre7 sem
    Kris Bailly
    Frédéric Béquin Merci Fréderic ! C'est vrai qu'en vieillissant il y a une certaine ressemblance, je m'en aperçois, faute de ressembler à mon père que je ne connais pas. Non, aucun de mes enfants et petits-enfants ne lui ressemble, mais il est peut-être un peu trop tôt pour le dire ... 😉 Bises de nous deux

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  7. Bernard Denizot
    J'ai beaucoup aimé cet hommage à ton grand-père. Les miens avaient fait tous deux la guerre 14-18.
    Vois en mp entre parenthèses.
    Bisous
    Répondre7 sem
    Kris Bailly
    Bernard Denizot Merci Bernard. Son père est mort au retour de la guerre, il avait été gazé. Mon grand-père, il avait 8 ou 9 ans, il est devenu pupille de la nation. Un homme courageux à la seconde guerre, il a pris beaucoup de risques en hébergeant armes et radio chez lui alors qu'il avait une femme et des enfants... Merci pour ton aide une fois de plus. Bisous

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  8. Paul Vouillamoz
    Très bel hommage.
    Répondre7 sem
    Kris Bailly
    Paul Vouillamoz Merci beaucoup Paul ! Belle soirée et bon weekend . Bises

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  9. Karc Cor
    Très bel hommage 🤲🙏
    À l'âge où, faute d'être tendres amants,
    On conjugue vieillesse avec tendresse
    Pour en oublier l'insidieuse détresse.
    👍❤️❤️
    Répondre7 sem
    Kris Bailly
    Karc Cor Merci beaucoup Karc de t'arrêter sur ces mots que j'aimen beaucoup moi aussi. Bon week-end et à très bientôt, j'espère ! Bises
    Répondre5 sem
    Karc Cor
    Kris Bailly je t´en prie.. toujours un plaisir de te lire 👍 excellente nuit et au plaisir

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