jeudi 10 octobre 2024

Quinze août






La nuit a lentement posé sur toi sa peau de chagrin,

Ce soir, tu es très calme, pas de mauvais grain.

La lune porte le deuil derrière les nuages menaçants,

De tes flots plaintifs, j'entends les gémissements

Et ceux des veuves des marins qu'ils ont pu trahir.

Au loin, une multitude de gerbes du souvenir

Déposées religieusement par des cœurs en loque

Irrémédiablement sur l'onde, déjà, se disloquent.

Dis ! De combien de marins as-tu éteint la flamme

Englouti leurs corps de travailleurs, et avec leurs âmes ?

Où ? Dans ton ventre violé par leurs tramails et leurs filets ?




Qu'as tu fait de leurs dépouilles tant espérées

Sur tes rivages désolés, par l'angoisse, ravagés ?

Entends-tu les prières, par les larmes étouffées,

Sous les voiles des veuves restées inconsolables

Dans les yeux des orphelins aux destins immuables ?

Crois-tu que les hommes abandonneront docilement

Leurs quêtes sans aller au-delà de leurs déchirements ?

Hélas, d’eux, tu n'as pas à craindre la moindre pénurie,

Les hommes, depuis la nuit des temps, craignent la mort

Mais veulent toujours prouver qu’ils sont les plus forts.

Ils sont ainsi faits, qu’au péril de leur vie,

Sans trêve, ils reviennent à l'assaut de l’impondérable

Quitte à y perdre de père en fils leurs âmes indomptables.




Ce soir, la nuit a posé son voile de veuve...

De tes flots, j'entends les gémissements.



                                              à nous courageux pêcheurs


Texte et photo Christian Bailly 
Tous droits réservés 
10/10/2024
Sète

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