La nature, apprêtée dans sa robe
de mariée,
Retrouve pour mon plaisir toute
sa virginité.
De mon pas décidé, je viole son
innocence,
J'entends son crissement rompre
le silence.
Entre les branches, un rayon de
soleil se glisse,
Pose une rivière de diamants sur
sa pelisse.
Les arbres en habit, et de gants
blancs parés,
S'invitent au bal masqué des
géants décharnés.
Dans un taillis d'aubépine, tout
cotonneux,
Se pelotonne un rouge-gorge
malheureux.
À voir tant de pureté, je
retrouve la candeur
De mon enfance, mais aussi ses
frayeurs.
Dans ce duvet hivernal, l'envie
de m'y réfugier
Me prend, avec l'espoir puéril
de tout oublier.
Je m'allonge sur ce linceul
glacé comme la mort
Qui pénètre bientôt mon corps
qui s'endort.
J'attends… Peu à peu, la froideur
m'anesthésie,
J'essaie d'oublier qui je suis,
d'oublier où je suis.
La neige me recouvre de sa
pureté angélique,
Je me laisse mourir loin de ce
monde despotique.
Sur ma joue, un chêne séculaire
verse une larme,
Et me dit : "D'être ce que
tu es n'est pas un drame,
Aux hommes, le sort réserve bien
pire infortune,
Vis enfin ton destin, oublie
toutes tes rancunes"
Je sors de ma torpeur, je ne
vois plus de barrières.
Un rayon de soleil et d'espoir
baigne la clairière.
Au beau milieu de cette nature
indulgente,
Il me semble renaître avec une
âme innocente.
Sa virginale beauté, sa candeur
me font oublier
L'inimitié des hommes pour ce
qui est singulier.
Ma destinée, d'un coup me semble
transparente,
Je me réconcilie avec ma
personnalité évidente.
Depuis ce jour, je regarde la
nature d'un autre œil.
Elle m'a ouvert sa porte alors
que j'étais en deuil
D'une destinée qui m'avait
assurément échappé.
Grâce elle, je renouais l'espoir
d'enfin me réaliser.
La nature est bonne conseillère,
de la contempler,
Il suffit, pour face à soi-même,
se retrouver.
Longtemps, pendant mes
promenades solitaires,
Je lui confiais ce qu'aux hommes
je devais taire.
La nature est mon amie, je lui
dois de survivre
À ce destin tourmenté où comme
un bateau ivre,
Je me laissais ainsi ballotter
sans rien maîtriser.
Mais aujourd'hui, à mon bord, je
suis le timonier.
Christian Bailly
Tous droits réservés
21/01/2013